Une jeune fille polonaise, Stanislawa Toinepek, se trouva prise, pendant les troubles. de Varsovie, dans une foule cernée par la troupe et elle fut injustement emprisonnée. Un emprisonnement, de dix jours exerça sur le système nerveux de cette jeune fille, qui avait alors à peine 20 ans, un choc psychique si violent, qu’elle manifesta bientôt des symptômes d’hystérie, et en particulier des troubles de la mobilité et de la sensibilité, auxquels étaient liées, choses étranges, des influences involontaires à distance sur des objets inanimés.

Lorsque par exemple le médecin lui écrivait, une ordonnance, l’encrier se mettait en mouvement, des meubles se déplaçaient et l’on entendait des coups frappés. Son entourage voyait dans ces phénomènes inexplicables l’influence des esprits. C’est ainsi que furent découvertes les facultés médiumniques de Stanislawa, qui fut initiée alors au secret des séances spirites. Ces manifestations remarquables attirèrent l’attention du Dr Julien Ochorowicz, alors professeur de philosophie, et aujourd’hui décédé depuis plusieurs années. Il réussit en 1909, à accaparer la jeune fille pour une enquête scientifique qui devait durer plusieurs années, et qui se déroula en partie à Varsovie même, en partie dans la propriété du professeur ou à Paris.

Grâce à l’accueil courtois du savant polonais, l’auteur put être témoin, à Paris, de quelques expériences de télékinésie, pratiquées sur M”° Stanislawa Tomczyk, expériences véritablement impressionnantes, instituées méthodiquement et tout à fait démonstratives. Plusieurs années après la fin des recherches du professeur Ochorowicz, l’auteur profita d’un séjour à Varsovie (décembre 1913) pour étudier de plus près, par lui-même, en trois séances, les productions de Mile Tomczyk. En janvier 1914, le médium accepta. l’invitation de l’auteur et vint à Munich où elle donna en janvier, février et mars, d’autres séances. Les phénomènes, chez M”e Tomczyk, se déroulent, du moins d’après l’expérience de l’auteur, exclusivement, pendant le somnambulisme actif artificiellement provoqué. Dans « état second », le sujet présente une nouvelle existence psychique, à savoir celle de sa propre personne au niveau intellectuel d’un enfant de 10 à 12 ans. Ce rôle, dû à l’autosuggestion, continua à être joué, comme par un acteur, d’une manière puérile, par écrit et oralement, avec une disposition marquée pour les jeux et les friandises enfantines, avec une émotivité et une impulsivité très grandes (turbulence, scènes de pleurs, etc.) et une disposition à étoffer ce rôle d’une série de souvenirs typiques remontant à cet âge.

Cependant toute cette représentation dramatique évoque une impression d’affectation et d’exagération hystériques, avec un fonds psychique constitué par un caractère de personne mûre. Cet état de rêve, qui. se continue parfois salis interruption pendant 5 ou 6 heures, est. accompagné de beaucoup d’idées subites et, capricieuses, de fantaisies hystériques, de troubles de la motilité et de la sensibilité (légères crampes cloniques et toniques qui vont jusqu’à l’opisthotonus), hypersensibilité et crainte manifeste de la lumière, analgésie de certaines régions de la tête, tachycardie, etc.) Le caractère de Stanislawa, capricieux, offrant déjà en état normal de veille peu de prise à la suggestion, un peu entêté, demande de la part de l’expérimentateur des démarches prudentes et pleines de tact. Cela s’applique également au degré conscient du somnambulisme hystérique actif. Si l’on veut demander au médium de produire des phénomènes télékinétiques, il faut d’abord s’être bien familiarisé avec le caractère comédien de cette personnalité enfantine, un peu comme le médecin s’adapte aux pensées folles d’un aliéné. Au milieu des jeux et des amusements puérils, qui maintiennent le sujet en bonne humeur, le directeur de l’expérience propose brusquement d’essayer un jeu sur la table et de s’amuser à mettre en mouvement de petits objets sans y toucher.

A cette invitation, Stanislawa s’assied à la table. Alors intervient une transformation notable de son être. Sans doute, les manières enfantines de penser et de parler subsistent encore, mais l’attitude un peu niaise, incohérente, turbulente, adoptée jusqu’ici par le sujet, fait place à une attitude sérieuse et à un jugement mûr, inconciliable avec cette manière puérile de se représenter les choses. Le sujet comprend la nécessité de la rigueur expérimentale et aussi l’impor-tance de la situation.

Étrange union d’une âme enfantine avec une âme d’adulte ! Le médium vit dans la conviction que .ce n’est pas lui-même mais son second moi, son double, par conséquent un être invisible indépendant de sa personnalité du moment, qui produit les phénomènes, toutefois, la plupart du temps, (dans la mesure où il ne s’agit pas de manifestations spontanées) sur ses désirs. et à sa demande.

C’est ainsi que, pour le médium, il y a trois types de personnalité:

  1. La Stanislawa de l’état normal de veille
  2. La Stanislawa, ou par abréviation .« Stasia », de 10 ans, au moment du somnambulisme hystérohypnotique
  3.  Le « double » de cette Stanislawa n° 2, qui s’appelle la « petite Stasia ».

La production des phénomènes suppose donc un processus psychologique un peu compliqué, qui peut apparaître comme le produit, créé par la suggestion, d’une éducation spéciale (par une influence étrangère combinée avec les représentations personnelles), mais qu’il ne faut pas négliger au cours de l’expérimentation, et dont on a dû tenir compte, aussi bien à Munich qu’à Varsovie, au cours des 14 séances organisées par l’auteur.

EXPÉRIENCES DE VARSOVIE.

Séance du 29 décembre 1913.
Lieu : La demeure d’un agent consulaire autrichien. Résultat négatif.
Séance du 31 décembre 1913
Lieu : La demeure du propriétaire à Varsovie, chez qui Stanislawa Tomczyk logeait.
Vérifications préliminaires : Mademoiselle T. est hypnotisée dans une autre chambre et pénètre dans la salle de séance, en tant. que Stanislawa il est dans l’état de somnambulisme actif; elle s’assied en face du petit côté de la table entre le savant anglais et l’auteur, pendant que les autres assistants se tiennent dans une autre partie de la salle. Le médium demande alors lui-même, avant le début de l’expérience, le contrôle corporel le plus minutieux : sur le haut du corps, vêtu d’un tricot, on ne trouve ni fil, ni cheveu ; on palpe toute la sur-face des vêtements et les bras nus jusqu’aux coudes, après avoir relevé les manches qui sont également contrôlées. Examen très minutieux de la surface des mains ; on passe la lame de ciseaux sous chaque ongle, au cas où du fil s’y trouverait caché.

Résultat négatif. La table peinte en sombre, faite d’un bois n’ayant, subi aucune préparation, est également contrôlée et essuyée. Lorsque le contrôle est terminé, les mains ne doivent plus quitter la partie visible de la surface de la table. Défense est faite de toucher le haut du corps et la tête. Chaque mouvement des mains et des doigts est attentivement examiné jusqu’à la fin de la séance. Nous examinons également avec soin si une des deux mains vient toucher l’autre au cours de l’expérience.