Ecriture automatique

Disons maintenant un mot du dessin et de l’écriture automatiques. Nous avons déjà vu un Ossowiecki redessiner, par Clairvoyance, un objet figuré sur un papier enclos dans une enveloppe. Nous n’insisterons pas davantage sur ce mode de lucidité et, d’autre part, nous tiendrons hors de notre sujet ces graphismes où apparaît parfois tant de talent, chez des médiums peu ou point préparés par leur éducation artistique, à tracer de telles compositions. De même, en signalant sa maîtrise et son invention extraordinaires, ne ferons-nous que citer Augustin Lesage, cet ouvrier mineur, de Burbure (Pas-de-Calais), sous le pinceau de qui s’épanouit, un jour, puis de façon continue, une magnifique et inépuisable floraison de tableaux rivalisant en imagination et en harmonie colorée avec les plus riches imaginations de l’art oriental. Tout semblablement, ne mentionnons qu’au passage tels autres exercices de dessin et de peinture — il en est de fort beaux — dont, dans la plupart des cas et dans les milieux spirites, l’origine est attribuée à la collaboration des « esprits ». Ainsi, jadis, et à l’en croire, Victorien Sardou dessina-t-il la « maison de Mozart » parce que l’ombre de Bernard Palissy conduisait sa main. Ce qui nous intéresse en propre, ici, c’est le dessin ou la peinture médiumnique qui ont un caractère de prévision dans le temps, ou qui rappellent des sites, des physionomies inconnues du médium. Cette sorte de phénomène est si rare que, je l’avoue, aucun cas de forme véritablement typique ne se présente à mon souvenir. Autant, dans l’écriture automatique, on peut rencontrer de cas où il y eut des avertissements, des révélations anticipées ou des rappels de faits accomplis mais encore ignorés, autant restent exceptionnelles et, pour tout dire, sans retentissement dans le champ de la métapsychique, les> circonstances où le médium dessinateur et peintre fit réellement oeuvre de clairvoyant. A ce genre d’exercice, je ne m’entraîne personnellement point. Pourtant, voilà que me revient à l’esprit une « curiosité » qui s’y rattache, et je la résume.

Le 9 septembre 1925, M. P. Monet me demande un entretien au cours duquel je suis conduit à éclairer mes dires par le moyen de croquis descriptifs d’un rivage marin, d’un quai, d’un boulevard, puis d’une fenêtre à meneaux, dans une villa que je dessine alors, basse, carrée, trapue, distribuée en deux corps, avec un bâtiment annexe, une chambre aménagée en chapelle extrême-orientale. Suivent le tracé des chemins d’alentour, le croquis d’une fontaine monumentale et la désignation de son emplacement sur mon plan topographique. M. Monet identifie, en ces dessins, sa villa Le Prieuré et ses abords, à Toulon. Il m’écrira : « Tout le signalement et les croquis qui l’accompagnent sont rigoureusement exacts. On croirait presque qu’ils ont été faits d’après nature. » Exemple d’un fait analogue. Un jour, en plein travail littéraire, se forme devant mes yeux le décor d’une place de petite bourgade : au fond l’église, quelques arbres, et de part et d’autre des blocs de maisons. Je suspends mon ouvrage, dresse hâtivement mon chevalet, prépare palette, toile et pinceaux, et, enfiévré, compose, en une heure et demie, un tableau, tout comme si j’avais été devant le motif. Quand cette improvisation est sèche, je l’accroche au mur, chez moi. Bientôt, je reçois la visite d’un ami d’Espagne qui tombe en arrêt devant mon tableau et me dit : « Tiens Vous avez peint la Collégiale de Talavera de la Reina. Vous avez fait cela sur place ? — Non, répondis-je, je ne suis jamais allé dans cette région de votre patrie. » Et j’explique comment l’oeuvre est née. Stupeur de l’hôte. Le lendemain, il m’envoie une photographie du monument et de ses abords. C’est bien mon tableau, vu sous un autre angle, mais où les détails, particulièrement ceux des architectures, m’apprennent que j’ai peint, en visionnaire, et avec fidélité, un site que je n’avais jamais vu.

Un champ d’expériences à explorer.

Cette forme de Clairvoyance par le dessin n’a pas été, ai-je dit, étudiée d’aussi près que bien d’autres. La faute en est peut-être à la quasi-inexistence de médiums spécialisés en cette façon d’opérer. Je me permets de dire qu’il y a là un terrain d’études presque absolument en friche et qu’il y aurait certaine-ment intérêt, dans les laboratoires métapsychiques, à rechercher et, éventuellement, à mettre à l’épreuve, des médiums dessinateurs disposés à appliquer leur faculté à la connaissance supranormale. Ce qui est possible, pour une voyance exprimée verbalement ou par un texte écrit de la main du sujet, pourrait bien être réalisable, sous les dehors d’un croquis, voire même d’un dessin « poussé », soit en représentation d’un lieu ignoré, soit d’une scène vécue ou à venir 1. J’imagine un exemple : supposez qu’avant l’assassinat du président Doumer un médium ait tracé les majuscules R. F. en y superposant un poignard ou un revolver, il y aurait eu, là, vérification de mon hypothèse que la métagnomie peut se

Les expériences de transmission de dessins, surtout depuis 1883, ont démontré, de façon certaine, la suggestion mentale à distance (Voir à ce sujet : M. Guthrie et J. Birchall : Record of experiments in thought transference at Liverpool (Procès-verbaux- de la Société de Recherches psychiques de Londres, vol. I, part. 4, 1883). Ainsi furent dessinés, par des percipients, des sites, des figures de cartes, des phrases musicales. (Expériences Kotik, Tischner, Wasielewski, Heymans, Brugmans, Weinberg.) On ne peut ignorer enfin les remarquables et très nombreuses réussites obtenues par le Français Warcollier, dont les travaux occupent, en notre temps, une place considérable dans ce département des recherches métapsychiques. L’objet de toutes ces expériences était l’étude des possibilités de la télépathie. Plus particulièrement, je propose l’étude Clairvoyance, de la médiumnité qui, par le dessin, pourrait voir et prévoir, dans le temps et l’espace, comme les médiums parlants et écrivains peuvent le faire.